Au Québec, on compte les organismes à but non lucratif (OBNL) par dizaine de milliers. Plusieurs cherchent des solutions pour mieux accomplir leur mission, souvent avec des ressources limitées. Une solution qui peut se présenter aux OBNL est de se regrouper avec d’autres organismes afin de partager les ressources tout en optimisant le fonctionnement et les sommes qui y sont allouées.
Plusieurs options de mutualisation sont possibles et comportent leurs avantages et leurs défis. L’évaluation méthodique des besoins constitue ainsi l’étape préalable pour choisir le modèle de mutualisation qui convient le mieux.
Le type de regroupement des organismes dont il sera question dans cet article est la fusion. La fusion est la forme de mutualisation la plus intégrée de regroupement d’activités en une seule entité, existante ou nouvelle. La fusion est aussi la plus exigeante, elle nécessite plus d’effort et de temps.
Voici une description sommaire des différentes étapes qui ont guidé une récente démarche de fusion accompagnée par Bénévoles d’Expertise (BE) entre plusieurs OBNL :
- Mobiliser les membres administrateurs autant dans les décisions que dans le suivi de la démarche afin de veiller au bon déroulement de toutes les étapes de la fusion;
- Mettre en place un comité d’analyse de fusion pour identifier les partenaires potentiels avec qui l’OBNL pourrait fusionner, convenir d’un choix et effectuer une approche auprès du partenaire ciblé;
- Poursuivre l’analyse conjointement avec le partenaire ciblé si la convergence de part et d’autre semble prometteuse. Entamer une revue diligente à un niveau adéquat et préciser les avantages, les risques et les conditions de succès pour mener à bien la démarche de fusion. Et même si les éléments techniques sont la base de l’examen, la culture organisationnelle et les modes informels de fonctionnement ne doivent pas être sous-estimés;
- Définir conjointement une vision commune, énoncer les objectifs visés et développer un pro-forma des paramètres de la structure de gouvernance et de gestion du nouvel organisme à créer;
- Mettre en place un comité mixte de négociation, de planification et de réalisation de la fusion. Ce comité doit avoir la confiance des parties prenantes et la capacité de couvrir toutes les facettes d’un tel projet. L’évaluation du profil (diversité des compétences) et la définition des rôles et responsabilités des personnes composant ce comité sont clés. Son mode de fonctionnement et de communication interne et externe doit aussi être défini. Il est nécessaire de porter une attention particulière au choix de la personne dirigeante du comité : un leadership ouvert et rassembleur est une qualité essentielle;
- Développer un plan de projet incluant les jalons, les indicateurs, les ressources requises et un échéancier. Puisque l’effort et les imprévus sont souvent sous-estimés, il est judicieux d’inclure de la contingence (monétaire et temporelle). Les exigences et obligations procédurales et légales devraient être intégrées aux bons endroits dans le plan.
Le développement d’un accord de fusion ainsi qu’un plan de communication fait partie des étapes clés du plan de projet.
Le plan de projet doit être soigneusement élaboré, approuvé, adapté aux contextes et mis en œuvre de façon systématique. - Élaborer et approuver un budget pour couvrir les coûts de toute la démarche. Bien que la plupart du temps les organismes impliqués mettent à la disposition du projet le personnel, les lieux, les installations, les équipements, les fournitures, etc., il est approprié de prévoir des sommes pour mener les démarches légales et rémunérer la personne dirigeante du comité si nécessaire;
- Préparer la mise en œuvre de la nouvelle organisation : les valeurs, la mission, les offres de services, le nom de la personne morale, les pratiques de gestion et de gouvernance, conséquemment les volets financiers, les embauches – la direction générale et le personnel, les politiques et règlements, les chartes et les codes, la composition du CA et ses divers comités et ceux de l’organisation, les processus et mode de fonctionnement et de communication, les technologies de l’information, l’emplacement physique, etc. La liste peut sembler longue, mais il est plus facile et efficace de prévoir plutôt tôt que tard;
- Amorcer la phase de l’intégration (post-fusion) des organisations fusionnées. Une fois la nouvelle organisation créée et l’information partagée à toutes les parties prenantes, plusieurs sont enclins à penser que la démarche est terminée. Pourtant cette phase est critique et nécessite beaucoup d’attention et d’importants efforts à court et moyen terme. L’alignement de la culture organisationnelle, de la stratégie et des objectifs exercé avec diligence et leadership facilitera la démarche.
Chaque contexte est différent et comporte son lot de particularités. Ainsi, les étapes mentionnées ci-haut ne sont pas exhaustives et ne sont pas toujours linéaires, aussi parfois des allers-retours peuvent s’avérer judicieux. Elles n’ont pas non plus toutes la même valeur et sous-tendent plusieurs sous-étapes. Enfin, d’autres chemins peuvent être empruntés pour bien arriver à destination. Des attributs d’agilité, d’adaptabilité et d’esprit stratégique sont de mise autant dans la planification que dans la réalisation du projet.
Pour terminer, quelques aspects importants d’une démarche de fusion sont aussi à considérer :
La dynamique du pouvoir
On doit souligner l’importance de constituer les équipes avec des personnes à l’écoute, collaboratives, authentiques, engagées et qui veulent travailler vers la même finalité : le succès de la démarche. Bien que le savoir-faire soit très important, le savoir-être et le savoir-devenir sont incontournables.
L’appui des parties prenantes
Les parties prenantes doivent être bien cartographiées afin d’orchestrer les communications selon les jalons et d’adapter le discours en fonction de l’interlocuteur. Qui communique, quoi, quand, comment; les communications doivent être claires, convaincantes, fréquentes et cohérentes. Prendre le pouls, applaudir les appuis, porter attention aux divers silences et accueillir les doutes et réserves sont des sources de possibilités d’amélioration du message.
Une occasion de changer d’échelle
La mise en place d’une nouvelle organisation est un terreau exigeant mais combien fertile pour le développement de la direction et l’implantation de pratiques innovantes en ce qui a trait à la gestion et à la gouvernance. Une fusion peut être l’occasion de poser le socle d’une organisation agile, solide et pérenne.
Célébration
Une démarche de fusion exige beaucoup d’effort. Choisir les occasions de célébrer l’atteinte de jalons importants et les succès au regard des objectifs ont un effet indéniable sur la motivation et l’engagement de l’équipe.
Enfin, dans une telle aventure, être bien entouré, accompagné d’expertise externe, souscrire à des formations adaptées et s’intéresser à des expériences vécues s’ajoutent aux conditions de succès. À cet effet, Bénévoles d’Expertise est un partenaire de confiance qui peut faire la route avec vous.
Ce texte a été rédigé par Jules Bois, ASC, C.Dir., bénévole expert en gouvernance et en gestion.
Bibliographie
- De la collection « 20 questions que les administrateurs d’OSBL devraient poser sur …» publiée par l’Institut canadien des comptables agréés (ICCA) :
- Blumberg, Mark, et Cohen Barrack, Andrea. 20 questions que les administrateurs d’organismes sans but lucratif devraient poser sur les fusions, Institut canadien des comptables agréés, 2016.
- Lindsay, Hugh. 20 questions que les administrateurs d’organismes sans but lucratif devraient poser sur la gouvernance, Institut canadien des comptables agréés, 2006.
- Comment fusionner les organismes sans but lucratif
- Démarche pour demander la fusion de personnes morales sans but lucratif
- Gagné, Jean-Paul, et Lapointe, Daniel. Améliorer la gouvernance de votre OSBL, un guide pratique, nouvelle édition – revue et augmentée, Les éditions Transcontinental, 2019.
- Fiches sur la gouvernance d’un OBNL de Bénévoles d’Expertise et la Ville de Québec, Bénévoles d’Expertise (blogue), 13 juillet 2024.