Est-ce qu’il y a du harcèlement dans votre milieu de travail ?
Instinctivement, la plupart d’entre vous répondront un « non » haut et fort à cette question. D’autres variations, comme « ça ne pourrait pas se passer ici » ou encore « ça se passe seulement chez les autres » sont aussi courantes.
En fait, nous avons tous tendance à assumer que ceux qui travaillent dans le secteur sans but lucratif sont nécessairement… des gens bienveillants.
Cette présomption met des œillères sur la réalité du harcèlement au travail. En fait, croire que le harcèlement ne pourrait pas se passer dans votre équipe ne diminue pas la probabilité que le harcèlement s’y produise. Le harcèlement peut se produire dans n’importe quel lieu de travail et ne s’arrête pas tout seul. Cette supposition réduit par contre la possibilité d’identifier et d’éliminer les mauvais comportements, de responsabiliser votre personnel et de créer un environnement de travail à la hauteur de votre mission charitable.
Harcèlement et OBNL – Risques spécifiques au secteur d’activité
La culture organisationnelle typique des OBNL cultive un terrain fertile pour le harcèlement et crée des obstacles à sa dénonciation. Cette culture de bonté est fondée notamment sur des valeurs de justice, de compassion, d’égalité et de confiance. Elle est aussi malheureusement caractérisée par une tolérance envers les méfaits et un évitement des conflits, ce qui mène à une culture du silence. Cette culture se reconnait lorsque le maintien de l’harmonie devient plus important que de tenir responsables les harceleurs de leurs comportements répréhensibles. Cette culture du silence crée un obstacle fondamental à la dénonciation du harcèlement.
Ensuite, le pouvoir accordé aux bailleurs de fonds, au conseil d’administration et à certains bénévoles a tendance à permettre à ces membres de manifester des comportements d’intimidation et de harcèlement. Ces individus sont habituellement des volontaires, obligeant l’organisation à vouloir leur plaire tout en se sentant à leur merci. Afin de conserver ces membres influents, ou encore pour protéger leur financement, plusieurs OBNL tolèrent des comportements intimidants qui entrent en conflit avec la protection des employés et autres bénévoles. La culture du silence se retrouve renforcée par cette tolérance.
Finalement, les organisations à but non lucratif sont généralement sous-financées et consacrent la plupart de leurs ressources à la collecte de fonds et aux causes qu’elles soutiennent. Pour cette raison, beaucoup ont des budgets modestes ou inexistants pour investir dans les ressources humaines, la formation et le conseil. En matière de harcèlement, de nombreux dirigeants estiment avoir rempli leurs obligations simplement en adoptant une politique de harcèlement.
Mais les politiques ne suffisent pas. Prévenir, gérer, réagir et enquêter sur les incidents de harcèlement nécessite des connaissances, des compétences et des protocoles particuliers. Lorsque ceux-ci ne sont pas en place, la déclaration des incidents est encore davantage entravée, étant donné que les employés ne sont pas sensibilisés sur la manière de dénoncer et sur la confidentialité de la démarche, peu importe la position hiérarchique de l’harceleur.
Malgré ces contraintes, la pression publique d’agir en matière de harcèlement est plus forte chez les OBNL qu’ailleurs : il est attendu que de telles organisations caritatives mettent en œuvre ce qu’elles prêchent en matière de justice sociale. Ces attentes ainsi que les valeurs de bien social adoptées par la plupart des OBNL exigent que celles-ci s’efforcent d’être exemplaires dans leur gestion du harcèlement au travail.
Les OBNL doivent saisir cette occasion de prendre les devants dans la prévention du harcèlement afin d’en défendre et d’en protéger les victimes. Agissez maintenant, non seulement parce que la réputation de votre organisme est en jeu, mais aussi simplement parce que c’est la bonne chose à faire.
Comment agir concrètement pour prévenir le harcèlement dans votre OBNL ?
- Favorisez l’adhésion : Les OBNL et leurs conseils d’administration doivent reconnaître que le coût du harcèlement est supérieur au coût de développement de procédures et de programmes visant à améliorer la santé psychologique au travail.
- Créez des procédures de signalement et d’enquête confidentielles : Plus des trois quarts des victimes de harcèlement ne déclarent pas leur situation à leur superviseur. De plus, dans une majorité des cas, les harceleurs sont des supérieurs hiérarchiques. Votre politique doit considérer ce fait dans la structure de signalement du harcèlement.
- Formez le personnel à l’intervention des témoins : Indiquez clairement que tous sont responsables de la prévention du harcèlement et encouragez le personnel à signaler les cas qu’ils observent, même si le comportement ne leur est pas destiné.
- Menez des enquêtes confidentielles : Formelles ou informelles, ces enquêtes déterminent si le harcèlement se produit sur le lieu de travail et, le cas échéant, quelle est la gravité du problème.
Finalement, la CNESST met à votre disposition une large quantité de guides et d’outils afin de vous aider à comprendre la nature du harcèlement et de vous guider dans la rédaction de votre politique.
- Guide pour l’élaboration d’une politique de prévention du harcèlement psychologique ou sexuel au travail et de traitement des plaintes
- Trousse d’information sur le harcèlement psychologique ou sexuel
- Déclaration d’engagement de l’employeur
- Comprendre et prévenir le harcèlement psychologique au travail – Guide pratique de l’employeur
- Exemple de grille pour détecter les facteurs de risque en matière de harcèlement psychologique au travail
- Harcèlement psychologique ou sexuel – vous êtes employeur
Bénévoles d’Expertise, par l’engagement d’un bénévole expert, peut vous accompagner dans un mandat tel que la mise en place d’une politique en matière de harcèlement au sein de votre organisation.
Ce texte fut rédigé par Maude Villeneuve (Ph.D.), experte en santé organisationnelle et bénévole experte en ressources humaines.