Depuis plusieurs décennies, les organisations investissent beaucoup dans le domaine de la gestion des émotions, ceci afin de favoriser le mieux-être personnel et collectif des employé.e.s et ainsi de les aider à composer avec leurs réalités personnelles et professionnelles, mais également afin de prévenir autant que possible une multitude de manifestations d’insatisfaction, d’incivilité et parfois de harcèlement psychologique. En effet, les humains possèdent de très grandes ressources qu’ils peuvent mettre au service de leur environnement ; les émotions font partie de celles qu’ils peuvent déployer avec des impacts qu’on ne saurait ignorer.
L’origine du terme « émotion » vient du latin « emovere » qui signifie « mettre en mouvement ». C’est donc ça la fonction principale des émotions, soit de nous pousser à nous mettre en mouvement. Ainsi, la joie et tout le spectre des sentiments ou des états d’âme appartenant à la même famille vont alimenter notre élan dans une direction qui devrait avoir un impact positif sur notre milieu; alors que des émotions comme la tristesse, la colère ou la peur, souvent portées par des plaintes ou des récriminations, vont plutôt nuire à notre déploiement au sein de notre entourage, le temps de récupérer notre capacité de raisonnement, de mieux analyser et résoudre les risques inhérents ou d’adapter nos comportements aux situations courantes.
Les émotions (autant leur type que leur intensité) nous fournissent surtout de l’information sur nous-mêmes et sur nos interlocuteurs et, à ce titre, elles contribuent beaucoup au maintien et à la transformation de nos communications et de nos relations. Elles attirent notamment notre attention sur les préoccupations et les intérêts en présence, sur les obstacles à la poursuite des échanges et sur les actions qui s’imposent alors.
Il ne faut ménager aucun effort pour faciliter l’expression la plus appropriée des émotions, même si beaucoup de gens éprouvent de la difficulté à les identifier et à les nommer. En effet, notre tendance naturelle est souvent d’accueillir favorablement celles qui sont agréables et à ignorer, nier, dissimuler, repousser, fuir, réprimer ou supprimer celles qui peuvent nous causer du souci pour l’image de soi ou pour le maintien de la confiance et de l’harmonie organisationnelle. En refusant d’accueillir avec ouverture et bienveillance toutes nos émotions, on renonce peut-être tout simplement à en comprendre la cause et à éventuellement devenir plus habile à les gérer adéquatement en s’exposant à la récurrence sans fin des mêmes enjeux. De plus, la non reconnaissance des émotions provoque de la distraction intérieure et de la division attentionnelle, compliquant ainsi nos relations et contribuant à altérer notre mieux-être global. Comme l’indique Christophe André dans Sérénité. 25 histoires d’équilibre intérieur, « quand une grande émotion nous habite, nous lui appartenons en entier, il n’y a momentanément place pour rien d’autre. » Ainsi, si on n’a pas de stratégie pour faciliter une gestion ou une expression plus fluide des émotions, on court alors le risque que leurs effets les plus néfastes s’impriment en profondeur et créent une certaine inflammation, voire des conflits importants, au sein des organisations.
Comment ces organisations, ou leurs gestionnaires, peuvent-ils alors composer avec ces situations nuisibles pour la cohésion et l’efficacité de leurs équipes de travail?
- Responsabiliser les employé.e.s à l’égard de leurs émotions, de leur expression et de leur impact sur leur environnement
Les gens demeurent responsables de leurs pensées, de leurs croyances, de leurs besoins et intérêts, de leurs intentions et de leurs attentes, de leurs perceptions et de leurs interprétations. Ils demeurent responsables des émotions qui peuvent en découler, puis des attitudes, comportements, réactions et actions qu’ils peuvent adopter en conséquence. En ce sens, ils doivent être tenus responsables de leur contribution à toutes les interactions qu’ils entretiennent dans leur milieu de travail. À cet égard, si les gestionnaires doivent normaliser l’expression des émotions, ils doivent aussi développer, au sein de leur équipe, beaucoup d’habilités à soutenir la capacité d’introspection chez les uns et les autres et les sensibiliser de manière soutenue aux impacts de leurs actions ou de leurs omissions.
- Développer une réelle culture de la mutualité, de la réciprocité, de l’interdépendance et de la collaboration
Toutes les réactions aux tensions, aux différends ou aux conflits (évitement, concession, compétition, compromis et collaboration) peuvent être appropriées selon les circonstances. Bien sûr, de manière à offrir à tous.tes l’opportunité d’une contribution optimale aux missions et objectifs d’une organisation, celle-ci va le plus souvent miser sur un cadre et des stratégies susceptibles d’encourager davantage la collaboration grâce au soutien à l’établissement de liens positifs, bienveillants et généreux au sein de leurs équipes de travail.
- Développer un appétit pour l’apprentissage de nouvelles stratégies pour exprimer des désaccords, pour résoudre des différends de manière autonome et pour faire part de ses besoins
Pour composer avec toute forme d’environnement, les un.e.s et les autres gagnent à mieux se connaître et à en apprendre davantage sur les autres et sur cet environnement. L’apprentissage d’une bonne gestion des émotions prendra certes le chemin de l’apprentissage de leur expression appropriée, surtout grâce à un bon décodage des besoins qui leur sont sous-jacents. Ces apprentissages peuvent très bien être soutenus par de la formation, des rencontres de sensibilisation, de l’accompagnement divers, des initiatives de consolidation d’équipe ou tout autre exercice ou l’écoute active est à l’avant plan (questions, reformulations, reflets, recadrages).
- Évaluer de manière régulière les progrès réalisés dans l’actualisation et l’intégration de nouvelles compétences et de changements durables
De manière à démontrer le sérieux et la volonté réelle de l’organisation à l’endroit du mieux-être personnel et collectif, on doit pouvoir compter sur un mode d’appréciation des employé.e.s qui tient compte des habilités qu’ils continuent de développer pour contribuer aux objectifs supérieurs de l’organisation en matière de collaboration et de maintien de liens positifs et créatifs entre les employé.e.s.
- Offrir une brochette de stratégies de prévention et de résolution des différends
L’organisation et ses gestionnaires auront intérêt à proposer aux employé.e.s plusieurs politiques susceptibles de favoriser la civilité, la communication ouverte et transparente et le mieux-être général et de prévenir ainsi les différends inutiles et nuisibles. Par ailleurs, en ce qui a trait à leur résolution éventuelle, en sus des modes réguliers de règlement des plaintes et des griefs, elle reconnaîtra l’avantage de soutenir une variété de modes alternatifs de résolution des différends encourageant la communication responsable et directe entre les parties comme la facilitation et la médiation.
Ce texte a été rédigé par Fernand Bélair, bénévole expert en gestion des ressources humaines qui, au cours de sa carrière, s’est développé une expertise en médiation et en résolution de conflits.
Pour plusieurs de ces stratégies, Bénévoles d’Expertise est en mesure, grâce à ses bénévoles expert.e.s, de soutenir la volonté, le leadership et les efforts des organismes membres. N’hésitez pas à faire appel à eux.elles pour le mieux-être de tous.tes.
Références :
- André, Christophe (2012). Sérénité. 25 histoires d’équilibre intérieur, Paris, Odile Jacob.
- Larivey, Michelle (2002). La puissance des émotions, Montréal, Les Éditions de l’homme.
- Rosenberg, Marshall B. (2005). Les mots sont des fenêtres (ou des murs), Bernex-Genève, Éditions Jouvence.